Ichigo ichie, une moment, une rencontre.
Cette expression nous vient du zen et plus précisément de la cérémonie du thé.
Elle fut mise en évidence par Sen no Rikyu, maître de thé, au XVI ième siècle, période de raffinement du Zen.
Cette période était marquée par de nombreux conflits. Il est assez normal qu’une certaine philosophie marquant la fragilité de la vie naisse. Invitation à une présence totale et inconditionnelle au moment offert, à l’aspect éphémère et unique de nos instants.
On rentre dans la même rivière mais l’eau est différente à chaque seconde.
Dans les pratiques japonaises, que ce soit dans les arts martiaux, le théâtre No, la calligraphie, la méditation et le shiatsu, ce concept vient souligner la conscience de chaque geste qui, même répété mille fois, sera différent. Chaque instant peut basculer du calme au tumulte et influencer nos gestes.
Chaque geste est différent dans l’instant qui ne peut être le même.
Un moment, une rencontre.
La première fois que j’ai entendu cette expression, c’était par Kyoko Kishi lors d’un stage de Seiki. Elle faisait une démonstration, j’étais assis derrière elle en train d’écrire quelques réflexions. Elle releva la tête et dit que nous devions être concentrer sur les ressentis. Pensant être très discret, je finis de noter. Elle se tourna alors vers moi et me demanda d’être totalement présent à ce qu’elle était en train de faire.
« Chaque moment, chaque rencontre donne le mouvement de ce qui est donné à faire. »
Elle nous parlait de l’importance d’être présent totalement à l’instant. Conscient des ressentis et des besoins de l’instant sans se laisser envahir par les nuées de pensées.
Chaque moment est un cadeau dont il faut capter l’essence de l’instant éphémère.
Nos esprits occidentaux éduqués à la rapidité et au stockage de connaissances risque de ne retenir que le concept.
Hors, ce sont bien plus que des mots. C’est une qualité d’être. Cela demande un effort et du temps pour capter les nuances subtiles des ressentis. L’effort de rediriger le mental vers les ressentis de l’instant.
Si tu n’as pas le temps de méditer une demie heure, alors prends une heure.
Nous courrons dans tous les sens, d’une activité à l’autre, parfois avec le stress de s’arrêter.
Cela me rappelle une expérience vécue il y a une vingtaine d’année. J’étais envoyé un mois au Burkina Faso pour y donner une formation à des adultes. Un jour, un de mes étudiants me propose de passer boire le thé après le cours. Je prévois de passer chez lui vers 18 heure pensant que nous en aurons tout au plus pour une heure, ce qu’il me laisse le temps d’aller ensuite manger et préparer le cours du lendemain. Cette première fois m’a semblé interminable: il alluma son petit brasero avec du charbon de bois, fit chauffer une petite bouilloire, rinça la théière et jeta l’eau. Il ralluma le brasero, fit bouillir de l’eau pour le premier thé. Je me sentais fort agité de voir ses gestes lents et non chalands qui allaient au rythme du petit brasero. Cela dura 2 heures et demie.
Cela me rappelle une expérience vécue il y a une vingtaine d’année. J’étais envoyé un mois au Burkina Faso pour y donner une formation à des adultes. Un jour, un de mes étudiants me propose de passer boire le thé après le cours. Je prévois de passer chez lui vers 18 heure pensant que nous en aurons tout au plus pour une heure, ce qu’il me laisse le temps d’aller ensuite manger et préparer le cours du lendemain. Cette première fois m’a semblé interminable: il alluma son petit brasero avec du charbon de bois, fit chauffer une petite bouilloire, rinça la théière et jeta l’eau. Il ralluma le brasero, fit bouillir de l’eau pour le premier thé. Je me sentais fort agité de voir ses gestes lents et non chalands qui allaient au rythme du petit brasero. Cela dura 2 heures et demie.
Ce soir là, je suis rentré dans ma chambre interpellé de prendre conscience de mon effervescence mentale d’occidental pressé.
Pourquoi être aussi pressé?
Quelques jours plus tard, je fus de nouveau invité à prendre le thé. Je m’abandonnai au moment ou aux moments. Nous étions dans l’arrière-cours de la famille, des gens allaient et venaient, les enfants jouaient et nous étions là juste pour profiter du moment. J’avais l’impression que tout autour allait en vitesse accélérée et que nous étions juste posé en rythme avec la nature. Les deux petits verres de thé amer prirent 4 heures. 4 heures de temps suspendu. J’ai vu le coucher de soleil qui embrase les murs de terre pendant de fugaces secondes, j’ai entendu les sons de Ouagadougou changer avec la tombée de la nuit, j’ai vu les braises qui ont besoin de temps pour chauffer et donner leur chaleur à la juste quantité d’eau pour la petite théière. J’ai gouté chaque gorgée, et les verres n’en contenaient que 3, brûlant, sucré et amer, prendre toute la place dans ma bouche et glisser jusqu’à l’estomac. L’abandon à chaque instant était évident et tellement précieux.
Bref
Ainsi, que ce soit lors d’un soin ou dans la vie de de tous les jours, arriver à sentir. Pour y arriver, cela demande d’abords un peu d’effort: celui de venir à « ici et maintenant ». Ne plus ruminer un passé dépassé. Ne pas anticiper un futur hypothétique.
Quand on ramène sa concentration à maintenant, on sent sa conscience qui s’élargit à toute une série de sensations. La respiration se calme, une détente profonde arrive. A force de répétition et d’expérience, cet état est de plus en plus facile à atteindre. Une conscience de ce qui se passe en nous s’éclaircit, dégageant le ciel immense de la rencontre du moment.
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