Nous ne pouvons pas totalement séparer la pratique du shiatsu et une certaine psychologie. Même si la pratique du shiatsu n’est pas une séance de psychologie, nous avons besoin d’un minimum de psychologie pour accueillir chaque personne et comprendre sa situation.
Depuis des années, j’ai pris l’habitude d’aller chercher des livres dans des pratiques autres que purement le shiatsu afin d’y puiser un autre regard ou approfondir ma compréhension De ce qui se joue dans les séances de shiatsu.
Il y a quelques temps, un titre m’a interpellé : “Avoir le courage de ne pas être aimé”. Écrit par 2 japonais, Ichiro Kishimi et Fumitake Koga (Guy Trédaniel éditeur), ce livre est un dialogue entre un jeune homme et un philosophe. Le premier exprime ses complexes et sentiments, les « empêchements » qui le frustrent dans sa vie, le second le renvoie à sa propre responsabilité de vivre et d’être.
Au-delà de l’aspect provocateur ou frontal du titre, j’ai découvert une autre vision de la psychologie que les courants habituels.
Même si nous, praticiens de shiatsu, ne sommes pas des psychologues, avoir un peu de psychologie est essentiel. Ne serait-ce que pour entendre au-delà des mots dits, préssentir un non-dits ou une émotions bloquées ou pour garder son centre quand notre receveur nous emmène ailleurs.
Avec ce livre, j’ai donc découvert une autre forme de pensée: la pensée adlérienne. Il existe une réelle proximité avec le shiatsu, non pas dans l’application ou la technique mais dans une vision systémique:

la personne est perçue dans sa globalité (c’est plus qu’une personne que nous recevons, c’est tout son système, son environnement), nous tentons de comprendre pourquoi le corps/esprit à développer tel ou tel souci, nous y mettons du mouvement pour que chaque receveur puisse se reprendre en main.
Chacune des 2 visions considère l’individu dans son écosystème en lien avec ce qu’il vit à l’intérieur et à l’extérieur et tous ces liens sont interdépendants (comme dans la vision bouddhiste), le but est de rendre le « pouvoir » d’être au receveur.
Psychologie adlérienne, au-delà de Freud ?
Alfred Adler était médecin et élève de Freud. Mais il a voulu prendre un autre axe: le besoin d’insécurité et le sentiment d’infériorité génèrent une tension psychique qu’on tente sans cesse de compenser.
Pour faire simple, en voici quelques points essentiels:
- Individu unifié et indivisible
Contrairement à Freud, Adler voit l’individu comme un tout cohérent, où pensées, émotions et comportements sont interconnectés. Il rejette l’idée d’un inconscient divisé (comme le ça, le moi, le surmoi). - Finalité et objectifs de vie
Adler pense que nos comportements sont orientés vers des buts (souvent inconscients). Ce n’est pas tant le passé qui nous détermine, mais ce vers quoi nous tendons. - Sentiment d’infériorité
Chacun ressent un certain manque ou une faiblesse dans son développement. Ce sentiment d’infériorité pousse l’individu à se surpasser. Mais mal géré, il peut mener à des complexes ou à des comportements de compensation excessifs. - Complexe de supériorité
Parfois, pour compenser un sentiment d’infériorité, l’individu développe un besoin exagéré de pouvoir, de contrôle ou de reconnaissance. - Style de vie (ou ligne de vie)
C’est l’ensemble des croyances, stratégies, et façons d’agir que l’on développe dès l’enfance pour atteindre ses objectifs et se sentir appartenir. Il est unique à chaque personne. - Intérêt social (ou sentiment d’appartenance)
Adler souligne l’importance de l’appartenance au groupe, de la coopération, de l’empathie. Pour lui, une personne équilibrée agit dans un esprit de solidarité avec les autres.

En thérapie adlérienne, l’individu et son écosystème sont pris en compte. On explore son style de vie. On identifie ses croyances limitantes. On favorise le développement de l’intérêt social et on l’encourage à se sentir capable et utile.
En bref, l’accent est mis sur le but des comportements (plus que leur origine), le développement du potentiel personnel et l’importance des relations sociales et du sentiment d’appartenance.
Application au shiatsu
Si je reprends les points essentiels:
- Sentiment d’infériorité et complexe de supériorité: ces 2 aspect invitent à ne pas S’écouter (ce que nous appelons « corps/esprit » en shiatsu) et parfois à dépasser ses limites, que ce soit par le surmenage intellectuel ou physique, le shiatsu remet dans les sensations du corps.
- Individu unifié et indivisible: ceci est la conséquence du point précédent. En revenant à soi, la mise en compétition, la comparaison aux autres diminuent. On se sent unifié retrouvant nos vrais potentiels.
- Style de vie : se sentant unifier, le style de vie et ses habitudes de vie peuvent évoluer vers une vie plus saine, plus adaptée à ses besoins profonds.
- Intérêt social (ou sentiment d’appartenance): la détente physique, apporte la détente mentale, donc une plus grande ouverture à ses environnements et une meilleure connexion à ceux qui partagent nos vie.
- Finalité et objectifs de vie: allant plus profond dans la reconnaissance de soi et des ressentis profonds, nous sommes plus à même à faire les choix juste pour nous, ceux qui nous apaisent et réconfortent.
Si je résume :
- travailler sur le comportement: par comportements, nous pouvons aussi comprendre les habitudes du corps/esprit qui garde ses tensions et déséquilibres physiques, organiques, psychologiques.
- Par la détente et le calme générés, le receveur a accès à lui plus profondément et découvre de nouveaux possibles, son propre potentiel personnel.
- la pratique du shiatsu remet chaque receveur dans le monde et ses interactions. Le sentiment d’appartenance apaise (“je me suis senti plus calme sur la route, au travail, à la maison”).
Je vous dépose ici une étape de mes recherches.
Je perçois de plus en plus finement l’unité corps/esprit plutôt que la séparation qui est faite dans notre culture.
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