La vacuité dans nos pratiques
Je note ici les pensées qui me sont venues lors du Rassemblement Seiki 2025 en Andalousie.
Une présentation spontanée dont le thème central est le Sūtra du Cœur, la vacuité et l’indépendance.
À travers ces mots, je tenterai de retrouver ce même esprit…
Au Japon, deux « religions » officielles coexistent : le shintoïsme et le bouddhisme.
Je mets le mot « religion » entre guillemets car il ne s’agit pas d’un dieu unique et omnipotent, mais plutôt d’une expérience, d’un aperçu du mystère de la Vie qui nous transcende. Ainsi, je comprends le mot « religion » selon son étymologie : la notion de connexion, d’être lié.
Cette notion de connexion est très importante dans la pensée japonaise.
D’une part, le shintoïsme met en lumière le lien que nous pouvons avoir avec la Nature. Nous parlons d’esprits de la nature, les kami. Ils ont des forêts sacrées, des grottes sacrées, des lacs, des rivières et des montagnes sacrées, dont la plus célèbre est sans aucun doute le mont Fuji.
En revanche, le bouddhisme met l’accent sur les liens qui nous unissent à tous les êtres vivants, à travers l’interdépendance et l’impermanence.
Le sutra du cœur
Au Japon, ce texte bouddhiste, le Hannya Shingyo, est très connu.
En sanskrit, ce sutra s’appelle le Prajna Paramita Sutra. Il peut être traduit de différentes manières : le Sutra du cœur de la grande sagesse, le Sutra du cœur de la compréhension parfaite ou le Sutra de la sagesse qui nous conduit vers l’autre rive.
Ici, comme vous l’aurez compris, l’idée du cœur n’est pas l’organe que nous avons et son lien avec les émotions, mais plutôt le centre du centre.
Ce sutra, bref, concis et direct, relate la discussion entre le Bouddha et son disciple Shariputra.
Dans une partie, il est dit :
« Écoute, Shariputra,
Ce corps lui-même est vacuité,
Et la vacuité elle-même est ce corps.
Ce corps n’est rien d’autre que vacuité,
Et la vacuité n’est rien d’autre que le corps.
Il en va de même pour les sensations, les perceptions, les pensées et la conscience.
Écoute, Shariputra,
Tous les phénomènes portent la marque de la vacuité :
Leur vraie nature est la nature de
Ni naissance ni mort,
Ni être ni non-être,
Ni souillure ni pureté,
Ni augmentation ni diminution.
Par conséquent, dans cette vacuité,
Le corps, les sensations, les perceptions,
Les pensées et la conscience ne sont pas séparés de leur propre existence. » *
* (traduction de Thich Nhat Hanh)
Vide, mais vide de quoi ?
Prenez un verre d’eau ; il est plein d’eau.
Si vous le buvez, nous dirons qu’il est vide.
Oui, il est vide d’eau, mais il est plein d’air, peut-être plein de lumière s’il est au soleil.
Il n’est vide que par rapport à son état précédent, où il était « plein d’eau ».
Prenons un autre exemple : les mots que vous lisez en ce moment résonnent comme une voix dans votre tête ; peut-être y a-t-il aussi des pensées.
Mais si vous arrêtez de lire pendant 10 secondes…
Le vide, le silence, se comble.
Vous entendez la vie autour de vous.
Le silence, le vide, se remplit de vie.
Dans notre pratique, le vide consiste également à écouter le silence.
Un état de non-pensée qui fait de la place à ce qui est, ici et maintenant.
Non séparé de l’existence elle-même
Les mots que vous lisez ont été écrits dans un environnement spécifique, avec mon propre état émotionnel et mes propres perceptions.
Vous les lisez avec votre propre état d’être, vos expériences personnelles, vos émotions, vos perceptions, vos pensées.
Chacun de nous est unique, mais nous devons reconnaître que nous ne pouvons pas être déconnectés : notre nourriture provient de la terre, cultivée par d’autres personnes. Il en va de même pour nos vêtements et nos moyens de transport.
Toutes nos actions, tous nos besoins sont liés aux autres – humains, animaux, plantes, minéraux, insectes, bactéries, etc. – à toute la vie qui nous entoure.
Nous évoluons à travers elle comme une tour de Babel miniature, nous influençant les uns les autres.
Lors d’une séance de guérison, c’est la même chose. Ma main repose sur une personne. Ce n’est pas seulement un corps que je touche, c’est un univers avec ses perceptions, ses expériences, ses sensations.
Et je suis là avec mon propre univers intérieur.
Nous sommes deux, devenant un.
Dans la pratique
Lorsque je dispense un soin, il y a un moment pour la conversation, parfois court, parfois plus long.
Tout dépend de la personne, de son état d’esprit, de son état émotionnel.
Mais lorsque je m’assois à côté d’une personne allongée, mon esprit se fait silencieux pour laisser entendre la musique du corps du receveur. Je ne laisse pas mon esprit vagabonder ; je laisse la place aux sensations, à la résonance entre deux êtres.
Pour le receveur, cet état d’esprit est le même : s’abandonner sans condition à ce que son corps dit, à ce qu’il veut exprimer.
L’esprit s’abandonne au corps.
Le corps sait.
photos: Paul-Marie Plaideau
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