Suite à un précédent article sur l’attention juste à l’instant (Ichi-go, ichi-e, un moment, une rencontre), j’avais envie de revenir sur ce qui existe dans tout art, tout artisanat: la passion de l’art, la recherche du geste juste qui pourrait tendre vers une certaine perfection.

 

 

De la patience à la perfection

 

Dans un art, dans tout art, la passion qui anime l’artisan est une recherche qui peut sembler contradictoire: réussir le geste parfait sans précipitation, sans impatience et la répétition de chaque geste de façon presqu’infinie.

 

 

Au départ, il y a l’intention d’ancrer le bon geste qui passe par une répétition horlogique mais non mécanique. S’ensuit alors le plaisir d’affiner le geste en cherchant une forme de perfection, conscient que, dans le domaine du vivant, rien ne peut être mécanisé, chaque moment, chaque geste va alors être différent.

 

Un état d’esprit, plusieurs étapes

 

Lorsque l’on est en phase d’apprentissage, il est important d’ancrer dans le corps le geste par une répétition hypnotique: le mental s’évade de la pensée du geste, le geste se fait sans que le mental ait besoin de séquencer. 

Il y a ensuite la phase de consolidation: le geste est connu et le but sera de rester présent, attentif pour ne pas entrer dans ses pensées et passer à côté du geste juste avec une action mécaniste. 

Après l’apprentissage du corps, c’est l’apprentissage de l’esprit, une focalisation sur ce qui se passe, attentif aux gestes, aux sensations qui viennent de part et d’autres.

La dernière phase est sans doute la plus longue avec d’infinies nuances, la plus joyeuse pour l’amoureux de l’art. Le corps a appris, l’esprit peut se concentrer, on va alors se mettre en recherche du geste parfait, affiner tous les gestes, toutes les sensations et se rendre compte qu’avec le vivant, rien ne peut être mécaniser, rien ne doit être forcer.

Il me revient à l’esprit un moment du film « Le dernier samouraï » de Edward Zwick avec Tom Cruise et Ken Watanabe qui, en filigrane dans la seconde moitié du film, recherchent la fleur de cerisier parfaite. La conclusion est magnifique.

La voie

 

C’est dans cet esprit que l’on parle de Voie: la technique utilisée est un outil de découverte et de perfection de soi.

Un peintre peut laisser partir un geste fougueux, sentir puis voir que, dans l’imperfection de l’impression sur la toile, son émotion est présente à la hauteur de la justesse ressentie.

Un praticien de shiatsu sera en mesure de doser son effort et adapter son geste aux réalités du receveur avec la certitude d’avoir utilisé le geste juste pour ce qui doit être induit et ressenti.

 

Il n’y a pas de but, c’est comme une rivière qui coule.

 

Dans cet état d’esprit, c’est même plus qu’un état d’esprit, c’est un état d’être et de conscience. 

Pour finir (ou commencer)

 

Puisqu’on sait qu’il n’y a pas de but, il ne peut pas y avoir de spécialiste, pas d’expert, pas de maître car tout est en devenir. Cet état de recherche dans le temps qui s’écoule crée la maîtrise ou l’impression de maîtrise pour l’observateur extérieur qui voit, qui sent cette recherche de la perfection.

 

Alors, oubliez le but et l’envie d’y arriver vite, prenez plaisir à chaque fois que vous pratiquerez. Que ce soit en aïkido, en kung fu, en peinture, en dessin, en écriture, en shiatsu, en équitation, en méditation, arrêtez-vous dans chaque instant et profitez de chaque moment.

N.B.: Merci à Anatole Simenon pour les ouvertures discursives, merci à Blanco pour la mise en pratique et la recherche d’intégration.